Une utopie ?

Ambrosius Holbein (le fils de Hans Holbein l’Ancien et frère de Hans Holbein le Jeune) ne nous en voudra pas de lui piquer sa gravure représentant l’île d’Utopie dépeinte par Thomas More pour cet article.

Un échange sur les réseaux sociaux m’a donné envie de vous parler du système éditorial que je pense le plus juste et équitable possible. C’est un avis parmi tant d’autres mais il vous permet de connaître un peu mieux l’état d’esprit d’Ant Editions.

Un système éditorial à refondre

Utopions donc un peu, tout en restant réaliste.

Imaginons un instant où l’on revoit le système de diffusion des ouvrages.

Place au rêve :

L’éditeur édite un livre et le référence auprès de la Bibliothèque Nationale de France. Ce fichier central permet aux libraires mais aussi aux lecteurs de connaître l’existence d’un ouvrage. En cochant quelques cases lors de son référencement, l’éditeur peut même ajuster de possibles filtres : type d’ouvrage, thèmes principaux, genre,… Une précision bien utile pour les professionnels… mais aussi les lecteurs qui pourront d’eux-mêmes découvrir l’existence de tel ou tel titre en fonction de leurs préférences.

L’éditeur fait la promotion de l’ouvrage auprès des librairies.  Ces dernières, grâce aux filtres, peuvent aussi connaître la parution d’ouvrages pouvant intéresser leur clientèle. Elles peuvent donc acquérir le livre en déterminant avec l’éditeur la remise consentie, la quantité voulue, les modalités de paiement.

Les pouvoirs publics, afin de stimuler le secteur éditorial et la création française, ont mis en place un tarif d’affranchissement unique pour le secteur du livre (et pourquoi pas le généraliser à d’autres secteurs). Un euro symbolique pour envoyer un ou plusieurs livres, en suivi, sur la France entière (Outre-Mer inclus), directement auprès des professionnels du livre. Et, soyons fou (c’est notre utopie, on fait ce que l’on veut !), une harmonisation européenne pour permettre la diffusion à l’échelle de l’Europe de nos créations.

Bien évidemment, un tel tarif postal s’appliquerait aussi aux géants du numérique… Tout le monde à la même enseigne et le lecteur pourra choisir chez qui il pourra se fournir, selon sa propre conscience sociétale ! On peut ainsi imaginer deux tarifs distincts : un euro pour un envoi éditeur à libraire ou trois euros pour un envoi éditeur à lecteur. Ce dernier aura donc tout intérêt à aller chez le libraire du coin pour récupérer son livre plutôt que d’opter pour la livraison à domicile, sans pour autant écarter cette dernière (mobilité, zones rurales, etc…). Ce surcoût permettrait aussi de garantir un service public de distribution du courrier sur l’ensemble du territoire, les grosses structures du numérique contribuant ainsi financièrement à cela.

Ce qui donnerait, de façon plus concrète, ces différents cas de figures (les chiffres sont pour l’exemple) :

Libraire proposant le livre dans sa boutique : 50% pour l’auteur, 30% pour le libraire, 20% pour l’éditeur (bien évidemment, ces % ne sont pas des gains nets, les charges, les coûts divers sont compris dedans). Le % libraire est modulable mais resterait encadré pour éviter les abus de grosses structures (grandes enseignes de librairie face aux éditeurs indépendants ou inversement gros groupes éditoriaux face à des petits libraires).

Lecteur commandant l’ouvrage directement auprès de l’éditeur, sans passer par le libraire : 50% auteur, 50% éditeur (là aussi, c’est modulable mais encadré) + 3€ de frais d’envoi.

Lecteur commandant l’ouvrage auprès de l’éditeur et le récupérant chez le libraire : 50% auteur, 40% éditeur et 10% libraire + 1€ de frais d’envoi.

Tout le monde serait gagnant !

L’auteur touche davantage sur chaque ouvrage vendu, le libraire est maître de son stock (en contrepartie, il en est propriétaire) et avoir un réel rôle de conseil tout en ayant un public différent dans sa boutique, l’éditeur peut orienter son fonctionnement selon sa taille, ses envies, son public.

Et là, vous allez dire : Mais les autres intermédiaires, ils deviennent quoi ?

L’idée n’est pas de tuer ces métiers, loin de là, mais plutôt de les simplifier et d’offrir une réelle équité sur le marché du livre. L’éditeur pourra, selon ses envies, ses capacités, confier une partie ou la totalité de sa prospection à des commerciaux de terrain et, s’il le souhaite sous-traiter l’aspect logistique. Le petit éditeur, quant à lui, ne sera pas prisonnier de ce circuit de diffusion financièrement toxique et finalement très polluant (pensez que des livres sont envoyés, retournés, détruits en étant neufs !).

Cela implique aussi à réduire la production (la fameuse surproduction) : comme les libraires seront propriétaires de leurs stocks, un même éditeur ne pourra pas remplir indéfiniment les rayons et devra compter sur l’écoulement des stocks en cours avant de pouvoir livrer de nouveau. En parallèle, un tel système offre aussi une durée de vie bien plus longue aux ouvrages, pour le plus grand bénéfice des auteurs… et des lecteurs qui auront le temps de découvrir les titres !

Les libraires auront ainsi un réel rôle de proximité, ils pourront offrir une visibilité supplémentaire aux éditeurs locaux et sortiront de la spirale infernale de la gestion de cartons.

Alors, vous en pensez quoi ? Qui a envie de tenter l’expérience ?

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