– Alors ? Ça a marché ?

– Il y a eu du monde ?

– Des ventes ?

– Bon salon ?

Ces phrases vous disent quelque chose ?
Vous avez donc déjà tenu un stand lors d’un salon, d’un festival, d’un marché de Noël, d’une foire, etc. Peut-être même que vous en faites encore et les lignes qui suivent vont encore plus vous parler.
Depuis quelques temps, il n’est pas rare de répondre « NON » ou « BOF » à ces quatre questions. J’en discute avec d’autres professionnel(les) et c’est un avis partagé. Même quand je suis simple visiteur sur ces événements, je ne peux que constater la baisse générale de la fréquentation.
Etant éditeur indépendant et scénariste de BD, je me retrouve régulièrement de l’autre côté de la table et, mine de rien, ce n’est pas « que » de la présence. Il y a déjà tout un temps de préparation en amont : s’assurer des stocks, communiquer sur sa présence, se poser les bonnes questions sur ce qu’il faut amener ou pas, charger le véhicule (jouer à Tétris), se déplacer, installer son stand (en ayant quelques surprises comme le parking à l’autre bout de l’événement, la table qui fait 1 mètre au lieu des 2 annoncés, le stand situé à l’étage sans ascenseur, l’espace mutualisé, etc.)…
Puis, durant le salon, assurer la présence, les ventes, les renseignements, en ne pouvant pas abandonner le stand n’importe quand (avec une belle loi de Murphy : c’est quand nous attendons pour manger que les gens viennent sur le stand).
Et, enfin, à la fermeture, tout ranger, tout charger, repartir, faire l’inventaire…
Bref, du boulot… Et, forcément, quand l’on répond « NON » ou « BOF » aux questions précédentes, ça blase pas mal.
Cela s’est fait progressivement, avec des raisons qui s’ajoutent les unes aux autres… Et, c’est bien cela le problème : il faut travailler sur différents leviers.

 

Premier point : la fréquentation.

Globalement, nous ressentons une baisse générale de la fréquentation. Un jour, ça sera parce que la météo est exécrable et que les gens ne sortent tout simplement pas, une autre fois, ça sera lié à une communication insuffisante (non, la banderole dans le rond-point mise la veille ne suffit pas !), un lieu non adapté, une date souffrant d’une grosse concurrence, une entrée trop chère, une programmation pas assez attractive ou un désintérêt grandissant pour les événements culturels…
Les causes sont multiples et, mises les unes à la suite des autres, se traduisent par des allées vides, des exposant(e)s déprimé(e)s.
Ce qui était LE mauvais plan de l’année devient peu à peu la norme.
Hier encore, une de mes contacts partageait une vidéo filmée depuis un salon tourné vers la création, l’artisanat… Il y avait plus d’exposants que de visiteurs. Quelques âmes en peine erraient dans les allées (qui étaient peut-être des exposants désoeuvrés).

 

Second point : la consommation.

Le public dépense globalement moins. Le panier moyen sur les stands est en chute libre et s’explique par une morosité économique liée à une baisse du pouvoir d’achat.
Ces arbitrages budgétaires ont un impact qui, d’un côté, creuse les inégalités sur les événements et, de l’autre, encourage les mauvaises pratiques.
Je vais vous donner des exemples vus sur différents événements :
– Un artiste proposant ses propres créations… concurrencé directement par un stand faisant de la revente de produits achetés sur des plateformes chinoises
– Une créatrice entourée par un « commerçant » revendant des fausses Ray-Ban et un autre « commerçant » mettant à la vente des fausses cartes Pokémon
– L’auteur indépendant voyant la file d’attente pour tel grand nom, avec achat obligatoire de son bouquin… et un public ayant fait son seul et unique achat sur l’événement
– Le professionnel payant ses charges et tentant désespérément de se verser un salaire en concurrence direct avec le retraité du coin faisant les mêmes choses et s’en fichant de vendre à perte
Je vous laisse faire le calcul quand on additionne à la fois la consommation en baisse avec un salon déserté par le public.
Là, une petite voix va dire : « Mais pourquoi continuer les salons dans ce cas ? »
Car il y a parfois le salon qui marche, il y a parfois la rencontre qui permettra de placer des livres dans telle librairie, il y a ce nouveau lectorat qui peut être conquis, il y a aussi cette nécessité d’être visible.
– Bon, t’es gentil avec ton constat mais, au final, il faut faire quoi ?

 

Pour l’organisation : déjà, il faut refaire venir le public.

Pour cela, il n’y a pas 36 solutions : lui proposer quelque chose d’intéressant ET communiquer dessus. L’un ne va pas sans l’autre.
Tu peux faire une campagne de communication intense, si ton contenu est vide, les gens ne viendront pas… Inversement, tu peux proposer quelque chose de super, si les gens ne sont pas au courant, ils ne mettront pas les pieds dedans.
Vous allez me dire que ça coule de source et, pourtant, d’expérience, c’est loin d’être le cas. Et je pense que quelques un(e)s parmi vous ont aussi vécu cela.
Organiser un événement, ce n’est pas juste trouver une date et un lieu (et faire payer un bout de table à un exposant). Il faut du contenu (et ce n’est pas qu’une question de budget).
Je vois trop souvent des événements organisés sans même se préoccuper du tissu local… J’ai fait des festivals BD où la bibliothèque locale n’était pas associée. J’ai fait des événements où les associations du coin n’étaient pas au courant de son existence.
Petit message aux organisateurs : contactez-nous, on peut avoir des idées aussi ! (Puis, arrêtez de toujours nous faire payer. ^^)

 

Pour le public : être curieux !

Soyez à l’affût des événements locaux et donnez-leur une chance si le thème peut vous intéresser.
Sur place, venez à la rencontre des indépendant(e)s. N’hésitez pas à vous interrogez sur la provenance des produits et sur le modèle économique défendu.

En cette période de casse de la culture, il faut plus que jamais continuer à faire vivre ces événements locaux. Sinon, à terme, il n’y aura que des gros événements, avec du budget (et inaccessibles pour les petits) et de toutes petites manifestations vivotant et tenues par une poignée de bénévoles et désertées par les professionnels qui ne s’y retrouveront plus.

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